Attirée par la nature humaine, sa risibilité et ses manifestations corporelles, mon travail vise à faire entrer dans la réalité ce qui nous échappe : un réel joueur-joué. Une nature qui ne cesse de faire des farces dans un mouvement perpétuel où les signes sont poésie : tout est dans tout, tout se joue de tout et — le rire — en dessous.
Proche de la pensée shintoïste qui place le vide comme condition d’ouverture, par celles de Platon et de l’éros, de Rabelais, jusqu’aux écrits de Jean-Michel Rabaté et leur versant psychanalytique, j’explore ces concepts à travers la matière et les minéraux.
Un éros matérialisé par des bosses, creux, couleurs ou des objets venant le symboliser : empreintes pâtissières au niveau du sacrum des Guerriers ou hommage aux netsukes des Corps-amoureux. Des Corps-Araignées qui cherchent des réponses collectives, des Fleurs et Plant Legs prenant une allure humaine, s’essaient à un jeu entre ce qui nous tient et nous enroule, ou encore les Tôt’aime dans lesquels des formes de carpes, issues d’anciens moules en chocolat, s’engouffrent dans un visage souriant, témoignent de transformations et de jeux. Les corps féminins, toujours riants, semblent en prise avec le monde.
Mes recherches sur la verticale : ce qui chute, s’ouvre, s’élève ou marche, tels des leviers du monde, m’ont conduit vers des perspectives d’ouvertures : les cadres se défont, une liberté par déconstruction qui mène vers l’horizontale, ligne, ponctuation, entre liquide et désir.
Une chorégraphie, un rythme nécessaire pour déployer du sens et pour défier toute pesanteur.
Un travail sur le souffle et la couleur minérale, repris de ma vidéo l'Hydre à trois têtes (2004) où les paroles sont souffles de couleurs.
Un désir à attraper ?
Lacan le définit comme un manque inscrit dans la parole. Un objet qui a affaire au rien. A l’étoile.
Éros et rien seraient liés par sens, Peanuts, l’infini que forme la cacahouète par son cocon protecteur. Car si le désir est manque, il est comme une farce, sans cesse en train de se remplir et se vider.
Ce rire du dessous retrouvé chez Octavio Paz : « le rire ne fonde rien parce ce qu’il est insondable et que tout tombe en lui sans jamais toucher le fond » qui n’est pas sans rappeler celui de Nietzche ou le rire de la servante dans le Théétète de Platon.
Un rire proche de la position de Zeising : « lorsque Dieu suprême vient au rien, il se produit un monde. Et quand son image, l’homme, rencontre le rien, il se produit un rire. L’univers est le rire de Dieu ». Ainsi L’Ame-no-uzume, qui en montrant son sexe fera rire les esprits et rouvrira le soleil.
« Rends-moi ma bouche pour parler » lit-on dans Le livre des morts : des enchevêtrements gracieux et humanistes des grottesques aux paroles gelées de Rabelais, relier ces sourires aux liens, au monde en soi et hors de soi, une croissance vers l’éros.
Est-ce que la terre cacherait le rire ? « L’amour est un caillou riant au soleil » a dit Jacques Lacan, alors malaxons-le ; s’abreuver aux sources, comme une bouteille divine rabelaisienne. »
La vidéo me sert de point d'appui dans ma recherche, et actuellement, je travaille sur une animation en regard de l'Histoire du soldat de Stravinsky, un soldat qui cédant son précieux au malin, devient invisible pour ses aimés.
Camille Sabatier
Mon travail s'inscrit dans une réflexion sur le corps et ses métamorphoses, sur la matière et les minéraux, en lien avec le soi, la protection et les objets qui nous entourent, dans un jeu questionnant l'amour, le lien et le retour à la terre.
Mes recherches universitaires sur la grottesque néronienne m’ont conduit à relier ce morceau d’art qui manifeste la multiplicité dans l’unicité, aux formes plus actuelles d’un corps cosmique, fécondé-fécondant, révélant une régénération.
Mon processus créatif s’entoure de ces espaces, mu par un besoin commun « C’est bien la perte de la chair du monde qui pousse le sujet à se soucier de son corps pour donner chair à son existence. » David Le Breton, Anthropologie du corps et modernité.Un corps non plus déchu, perdu, faisant état d'une tragique condition, mais relié, jouissif.
Parutions catalogue, presse

Par Paul Ardenne, historien et critique d'art, 2019
Catalogue Humanimalisme, Topographie de l'art, 2020

Par Genevieve Fabre Petroff, 2020
Catalogue Make Cosmos, 2020
